03/03/2015

Fétichiste de la Révolution, j'ai joué à Assassin's Creed: Unity

Mars 2014 : Ubisoft annonce Assassin's Creed: Unity, nouvel opus de la série grand public, qui abandonne le continent nord-américain, ses pirates et sa guerre d'indépendance, au profit de la Révolution bien d'chez nous. Immédiatement, le membre de la société des amis de la Révolution et du club des Jacobins de Seine-et-Marne que je suis a senti le frisson de l'angoisse parcourir son échine. « Une boîte nord-américaine qui fait un jeu sur La Révolution ? Hérésie ! », ai-je pensé.
En novembre dernier, c'est au tour de Méluch' himself, et son second couteau Alexis Corbière, de monter au créneau sur leurs blogs respectifs. Les deux compères fustigent la vision de la Révolution présentée par Ubisoft Montréal : une vision basée sur des « poncifs contre-révolutionnaires forgés depuis plus de deux siècles », d'après lesquels le peuple, violent par définition, source de tous les excès, aurait décollé un bon roi débonnaire et sa gentille épouse, jusque-là soucieux uniquement du bien-être des Français. 
Immédiatement, la machine médiatique s'emballe. Ubisoft, qui ne demandait pas tant de pub, explique que le jeu a été réalisé sous contrôle d'historiens, à défaut d'huissiers. Et peu importe si les historiens en questions ont principalement travaillé sur la physionomie du Paris révolutionnaire et non sur le scénar', car Unity est  « n'est pas une leçon d'histoire » . Le syndicat national du jeu vidéo (oui oui, ça existe) relance de six, n'hésitant pas à tweeter cette perle, pendant que bon nombre de gamers, toujours prompts à montrer l'étendue de leur bêtise, se répandent en salmigondis incompréhensibles sur le net.


Le boulot accompli pour représenter Paris laisse sur le cul.

Le problème c'est que, à ce moment, personne n'a joué à AC: Unity, qui n'est même pas encore sorti. Mélenchon et Corbière, ne sont d'ailleurs évidemment pas des joueurs, et ne s'en cachent pas. Ils se basent, lorsque la polémique éclate, sur un trailer en particulier, réalisé par le réalisateur métalleux Rob Zombie, et sans grand lien avec le jeu. Et ce alors que d'autres montrent la foule révolutionnaire sous un meilleur jour. À commencer par la pub officielle :



Il fallait donc, histoire d'en avoir le cœur net, jouer à cet Assassin's Creed. Journaliste total jusqu'aux tréfonds de mon âme, jusqu'au bout des ongles, je me suis donc mis en tête de terminer tous les épisodes de la série, en finissant par le sulfureux Unity. Quelques dizaines (centaines ?) d'heures plus tard, je suis apte à faire parvenir mes observations au comité de salut public.

Premier constat : le boulot accomplit sur Paris lui-même est bluffant. Je crois ne pas avoir visité un lieu aussi incroyable depuis le Rapture de Bioshock. Il faut dire que les deux villes ont beaucoup en commun. Dans les grandes lignes, il s'agit de métropoles au bord du chaos, où l'espoir d'un monde meilleur (espoir déçu dans Bioshock, en plein envol dans Unity) côtoie la crasse du monde réel. Où ce qu'il reste d'une haute société dégénérée se terre dans ses palais pendant que des gangs de meurtriers parcourent les rues. Dans les détails aussi, la comparaison tient la route : les murs couverts de slogans politiques, les meurtres en pleine rue, les petites embrouilles politiques, les bordels crasseux, les refuges installés dans des égouts... sont autant de choses que l'on retrouve dans un jeu comme dans l'autre.




Chaque coin de rue, chaque quartier est l'occasion de se dire "Ha, ils ont assuré quand même". Des petits malins trimbalent des crucifix volés dans des églises. Des crieurs de rue lisent Sieyés. Des sans-culottes démontent la Bastille à coups de pioche. Un foule vocifère devant la prison du Châtelet. Des poules ont élu domicile dans Notre-Dame. Mieux encore, Ubisoft a pioché dans la mythologie qui entoure Paris et la Révolution pour en saupoudrer son jeu. C'est ainsi que je me suis retrouvé en train d'espionner le culte de Baphomet dans les catacombes, à résoudre un meurtre basé sur les écrits de Nostradamus, ou à assassiner des types en fonction des prédictions de Marie-Anne Lenormand. On retrouve là un peu de l'ambiance décrite par Pierre Bordage dans sa série L'Enjomineur.
Plus que les quelques anachronismes - au fond pas bien graves -, cette violence omniprésente a été la première chose à me faire tiquer. Parce que non, le Paris révolutionnaire n'était ni le Rapture de Bioshock, ni le Sin City de Frank Miller. Chaque impasse n'est pas devenu un charnier à ciel ouvert, et chaque boulevard un coupe-gorge où des excités promènent des têtes sur des piques. Le Paris d'Assassin's Creed: Unity, c'est un Paris où les massacres de septembre et le calvaire de Madame de Lamballe sont la règle et non l'exception. Et pourtant, il n'y là rien d'étonnant. On est dans un jeu grand public. Il faut du cool, du marquant, de l'impressionnant. Et au fond, AC: Unity est à la Révolution ce que 300 et aux guerres médiques.

Avant de payer leur demi 5 € dans un bar minable,
les hipsters parisiens préféraient les messes noires.

Le problème, c'est qu'une fois cette couche de cool grattée, la Révolution française paraît bien fade. Aguichante pour l’œil, elle se montre bien vide sur le terrain des idées. Les débats sur la peine de mort, le droit de vote, l'émancipation des juifs, l'esclavagisme, la place de la femme dans la société ? Absents, totalement absents. Tout comme Marat, Danton, Hébert, Saint-Just, Dumouriez, et même Lafayette, qui apparaissait pourtant dans Assassin's Creed III. Ces messieurs sont bien cités (et encore, pas tous...), mais sans que jamais l'on ne sache ce qu'ils font ou - plus important en ce qui nous concerne - ce qu'ils pensent.
Le plus étrange dans tout ça, c'est que, régulièrement, le jeu nous balance au visage un moment clef de la Révolution, des personnages obscures ou mêmes anecdotes peu connues. À croire que les développeurs ont voulu montrer que "si, si, ils ont étudié le truc, je vous assure, regardez". C'est ainsi qu'on voit un flashback de quelques secondes montrant Mirabeau lors du serment du Jeu de paume... Sans que cet événement ne soit mentionné ou expliqué à aucun moment. Alors moi, je veux bien ne pas être pessimiste, mais la probabilité que 99% des joueurs pensent « il se passe quoi là ? » plutôt que « le serment du Jeu de paume, la classe ! » me semble assez élevée. Et je pense aussi pouvoir affirmer sans trop me planter qu'ils vont zapper de la même manière l'importance symbolique de la marche des femmes ou du discours d'ouverture des états généraux.

Robespierre, salaud, le peuple aura ta peau !

Le résultat, c'est que pour les besoins d'un scénar' boiteux, les personnages essentiels de la Révolution deviennent des clichés. Danton, ce gros salopard opportuniste, devient, par une pirouette inexplicable et inexpliquée, un "héros de la Révolution". Robespierre est lui un « tyran », un « monstre ». Pourquoi ? Comment ? On n'en sait rien, puisque les mesures qu'il prend pendant son passage au comité de salut public ne sont jamais mentionnées, mais il faudra s'en satisfaire. Même combat pour Mirabeau qui, bien que propulsé sur le devant de la scène, reste un inconnu : ses discours, ses idées... Tout cela importe peu, dès lors qu'il est clairement énoncé qu'il est du côté des gentils. La palme revient à Saint-Just, dont on n'entend parler que pour apprendre qu'il aime porter des manteaux en peau humaine...
Et c'est là, précisément, que Mélenchon et Corbière ont raison : au final, malgré son enrobage apparemment sérieux, la Révolution made in Ubisoft n'est qu'une succession de clichés et d'images d'Épinal. Qui traîne derrière elle une sale odeur de réaction. Car Arno, le personnage principal, n'a au final rien à foutre de ce qui se passe autour de lui. Et lorsqu'il prend les trente secondes nécessaires pour réaliser l'étendue du bouleversement qui frappe la France, il opte pour la condamnation à peine voilée. Et le voilà qui, lors de la prise des Tuileries, ne peut s'empêcher de penser tout haut : « Cette fois-ci, les révolutionnaires vont trop loin ma bonne dame ». Étrange réflexion au demeurant, de la part d'un mec qui égorge 200 personnes à l'heure, au prétexte qu'elles ne pensent pas comme lui. Mais réflexion qui colle à l'image de la Révolution française outre-atlantique : si ce moment est amplement étudié pour ce qu'il est - l'acte de naissance de la modernité - dans les facs ricaines, il reste, pour l'Américain moyen, une version dévoyée, quasi-marxiste, de sa belle révolution de 1776, autrement plus respectable.


Les peaux humaines de Saint-Just, une histoire
reprise en boucle par les blogs royalistes... et Ubisoft.

Vous me direz là : « Est-ce grave ? Et est-ce bien surprenant ? ». Grave, cela ne l'est que parce que la Révolution française me semble de plus en plus souvent sous le feu de la critique. Par une partie de la droite dure, bien évidemment, qui n'a toujours pas digéré d'être laissée sur le côté de la route après 1792. Mais aussi de plus en plus par la gauche, qui trouve que "Liberté, égalité ou la mort", c'est peut-être trop violent et pas assez vivre-ensemble. Étant donné qu'Assassin's Creed est un des jeux les plus vendus de la terre, et qu'il va être, pour nombre de gamins dénués de tout sens critique, le premier - et probablement le dernier - contact avec la Révolution, je ne peux m'empêcher d'être quelque peu chagrin en pensant que ces têtes blondes ne retiendront de la France révolutionnaire qu'une série de meurtres et des mecs qui portent des peaux humaines.
Surprenant, ça l'est, car Ubisoft, sans avoir jamais fait des anciens Assassin's Creeds des chefs-d’œuvre d'écriture, nous avait habitué à plus subtil. La comparaison avec Assassin's Creed III est sans appel, par exemple : alors que Connor ne cesse de s'interroger sur le bien fondé de la Révolution américaine, allant jusqu'à remettre en cause toutes ses idées, Arno traverse la Révolution française sans même la voir, préférant perdre son temps à courir après une gonzesse aussi idiote que lui.

31/10/2013

Batman Arkham Origins

Le chevalier noir sous Prozac



Un homme fort qui défend le peuple et le guide dans la nuit face au danger omniprésent. Batman a beau être fasciste, il m’a toujours fait rêver. C’est donc avec un certain plaisir que je me suis attaqué à la trilogie de l’homme chauve-souris sur consoles next gen. Si Arkham Asylum et Arkham City s’avèrent être des réussites, on ne peut pas en dire autant du dernier venu. 


Aux origines du mâle

Les gauchistes passent enfin à l'action.
Dès le départ en effet, je craignais le pire. Cette manie d’exploiter à fond le filon des origines des supers héros a tendance à m’horripiler. Surtout que les genèses de ces personnages sont rarement originales («Ouai t’as vu Bruce Wayne le milliardaire, il est allé dans un temple en Asie et en se concentrant chanmé, il a trouvé la force de devenir ce qu’il est aujourd’hui quoi ! »).

Fort heureusement, le jeu ne s’appesantit pas sur cet aspect (il devrait néanmoins faire l’objet d’un DLC, fan service quand tu nous tiens), et se déroule selon un scénario simple mais assez efficace. On a ainsi affaire à un Batman plus jeune mais non moins badass que dans les deux précédents opus. Il se trouve pris dans une chasse à l’homme organisée par le très méchant Black Mask qui a recruté pour ce faire une armée d’assassins assez effrayante. Le tout dans un laps de temps assez réduit, les événements se déroulant en l’espace d’une nuit. On prendra ainsi plaisir à se balader de toit en toit dans un Gotham enfin reproduit entièrement et à régler leurs comptes à des malfrats en tout genre. Même la police est liguée contre cet hurluberlu fantaisiste en tenue moulante.

Le niveau graphique de la version testée (Xbox 360) ne casse pas trois pattes à une chauve-souris mais certaines cinématiques sont splendides. Toujours au rang des bonnes nouvelles, la technique des combats n’a certes pas beaucoup bougé mais elle reste globalement assez variée et plaisante. Il faut ajouter à tout ça, une durée de vie de 15 heures tout à fait correcte (25 en comptant les missions annexes et l’entraînement) et c’est à peu prêt tout ce qu’on retiendra de bon.


Bim bam boum boum bim !!!

Batman se retrouve embarqué dans une course contre-la-montre pour sauver ses fesses et les citoyens de Gotham. Un challenge qui aurait pu être palpitant mais qui ne l’est pas, tout simplement. Ce qui cloche, ce sont tous ces combats sans grand intérêt qui s’enchaînent et où il n’est pas rare de devoir éliminer une vingtaine d’hommes, ces boss et méchants qui sont pourtant là pour faire plaisir aux fans (presque tout le monde est présent) que l’on achève à coup de QTE mal dosés.



On avance, on avance et c’est un véritable soulagement que d’arriver au bout de cette aventure. Non pas pour ce que cela procure mais parce que l'on’aura plus à se repayer un de ces fights ennuyeux. C’est là tout le paradoxe d'Arkham Origins, là où ces prédécesseurs savaient parfaitement nous tenir en haleine grâce à une mise en scène léchée, ce dernier ne parvient jamais à nous faire rentrer dans l'aventure.

Faire en sorte qu’un open world à la map gigantesque et maîtrisé techniquement devienne un jeu aussi palpitant qu’une chanson de Benjamin Biolay me semblait impossible. C’est pourtant chose faîte.

Batman Arkham Origins
Warner Bros Games Montréal
55€ sur Xbox 360

16/07/2013

Legend of Grimrock

Le maître du donjon


Parfois, il m'arrive d'être un peu réac'. A force de traîner sur le web et de bosser dans un journal, je ne suis pas le dernier à m'exclamer "Bindiou, c'était mieux avant ma bonne dame" ou "Tout part en couilles de nos jours". Et peu importe si je n'ai aucun souvenir de cet "avant", trop occupé que j'étais alors à essuyer la morve qui coulait de mon nez d'écolier naïf et enthousiaste. Je me rassure en me disant que je ne suis pas le seul : il suffit pour s'en convaincre de voir la multiplication des titres qui se disent ouvertement old-school.




22/05/2013

The Walking Dead: The Game

Le livre jeu non-jeu dont vous êtes le héros


Je vais me servir de cette petite introduction pour énoncer un fait : les zombies, c'est chiant. Trop souvent, le potentiel amusant du zombie est éclipsé par une pseudo critique sociétale de bas-du-front. Comme si le zombie était devenu le meilleur moyen pour se pencher sur la condition humaine, sur le retour à l'état de nature ou sur les méfaits de l'UMP.



02/05/2013

Alan Wake: American's Nightmare

Remedy ne me fait plus rêver



Le cul-coincé entre deux chaises, entre son envie d'être un TPS décent et sa volonté d'être un jeu d'ambiance, Alan Wake m'a plu. Restait aux Finlandais de Remedy à se décider : quel genre de jeu devait être Alan Wake ? Le pauvre type avait l'air un peu paumé, et moi aussi.



30/04/2013

Deadly Premonition

Fire Walks with us



Une jeune femme assassinée dans une ville perdue au fin fond de l'Amérique, des habitants tous plus bizarres les uns que les autres, une scierie, un inspecteur du FBI... L'histoire de Deadly Premonition semble tellement calquée sur Twin Peaks que j'ai d'abord pensé que PPDA se trouvait à l'origine de tout ça. Mais non, derrière ce jeu vidéo qui réussit l'exploit d'être à la fois fabuleux et résolument loupé se cache le génial Swery.



29/04/2013

Alan Wake

Alan, non mais Alan quoi ?


Alan Wake. Mon bon petit Alan Wake. Un mois après avoir arpenté en long, en large et en travers ton univers, je ne sais toujours pas quoi penser de toi. En tant que survival-horror, tu ne vaux pas tripette. Ton gameplay est à la ramasse. Ton histoire, volontairement incompréhensible. Et pourtant, je t'aime bien. Je ne sais pas si c'est parce que ta eu les couilles de miser tout sur ton ambiance et sur tes personnages idiots, mais la sauce a prise.